Yamantaka // Sonic Titan, la confrérie de son

Les passionnés ont toujours quelque chose d’angoissant. Il est vrai qu’avec le maquillage, les costumes et les line-up à géométrie variable, Yamantaka // Sonic Titan est un groupe difficile à saisir. Qui fait quoi ? Que se passe-t’il ? Derrière l’apparence de secte illuminée, le groupe sait pourtant tracer avec précision les frontières qui bordent son organisation artistique : « Nous nous considérons comme un collectif qui fonctionne sous plusieurs formes différentes. L’une d’elles est notre groupe. Yamantaka // Sonic Titan a été fondé comme un duo et a fait ses premiers concerts sous cette forme. Mais en fonction du projet, d’autres personnes du collectif apportent leur savoir faire en danse, en sonorisation ou en théâtre. Nous considérons même les personnes qui s’occupent de l’administratif et des documents comme faisant partie du collectif. Mais en tournée, nous sommes généralement cinq personnes sur scène ».

Mais tout commence pourtant à deux. Après s’être rencontrées sur les bancs de l’école d’art de Concordia University à Montreal, Ruby Kato Atwood et Alaska B, commencent à jouer du noise dans leur premier groupe Lesbian Fight Club, puis décident d’explorer leurs origines asiatiques respectives au travers d’un projet plus vaste mêlant la musique à leur cursus d’artistes performeuses, le bruit blanc à leurs croyances bouddhistes. « Nous aimons expérimenter sur la perception du temps, c’est un sujet qui fonde différentes formes de méditations bouddhistes. Nous explorons aussi les mythes et les histoires propres à cette culture et à ses écrits. Mais notre intérêt relève souvent plus de la sociologie que de la croyance puisque notre musique s’attache aussi à évoquer d’autres religions et à voir comment elles entrent en résonance avec le bouddhisme ».

S’amusant de la remarquable singularité de sa musique, le groupe s’est même trouvé une appellation pour tenter d’expliquer ses grandes lignes stylistiques : la noh wave. Mêlant le bruitiste rock new yorkais des années 80 et le théâtre traditionnel japonais, ce terme barbare exprime bien la complexité qui agite la musique de Yamantaka // Sonic Titan. Il est vrai qu’à l’écoute de YT//ST, le premier album du groupe, le classique schéma couplet-refrain est taillé en lambeaux avec joie au profit de trames narratives plus profondes et d’un discours fait de tornades et d’accalmies. « YT//ST était en fait la cantate de notre opéra appelé Star. Une cantate est un opéra avant qu’il soit mis en scène. Mais la production théâtrale de Star a pris du retard car nous travaillions déjà sur notre précédent opéra 33//UZU. On ne peut faire qu’un opéra à la fois ! » On ne leur en tiendra pas rigueur, tant l’exigence mégalo et la passion ascétique qu’investit Yamantaka // Sonic Titan dans sa musique ont quelque chose de touchant sous le ciel gris de cynisme des années 2010. Car à l’heure d’interminables exégèses pop et de pesants tropismes communicationnels, Yamantaka // Sonic Titan a l’élégance de ramener le geste artistique là où il devrait être, en plein cœur des choses, à cheval sur la ligne blanche qui serpente sur la voie du milieu.

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