04/04/2013 /
Alexandre Majirus
#10
Lee Ranaldo : de la No Wave à la pop tranquille
Le guitariste mythique de Sonic Youth est la preuve vivante qu’on peut avoir plus de 50 balais sans pour autant sucrer les fraises. En somme, Lee est un papy cool qui, plutôt que de ressasser ses trips bruitistes de teenager, ceux-là mêmes qui ont fait les beaux jours de son groupe new yorkais ou de ses projets solos, a su se recycler et agréablement nous surprendre. Avec son dernier album « Between The Tides and The Times » (mai 2012), l’ancien fait preuve d’une dignité remarquable : en se retenant de gratter sa Moonlander avec une batte de baseball et en nous épargnant la Foire du Drone (« From Here to Infinity », 1987), Lee opère un tournant pop qui n’embaume pas la maison de retraite mal aérée. Une fontaine de jouvence quoi. Pendant ce temps, en ce début 2013, son ex-acolyte Thurston Moore a reformé un groupe, Chelsea Light Moving, qui fait dans le « Burroughs rock », du punk Alzheimer pour quinquas boutonneux à cheveux gras qui, mine de rien, déménage quand même.
#9
FAUVE : de la pop anglaise au spoken word sous Lexomil
Il y a encore trois ans, le groupe qui depuis quelques mois fait se pâmer nos meufs, nos mamies, nos demi-frères et toutes les maisons de disques, écumait les rades de Paname de manière quasi-anonyme avec les Fleets, la faute à un nom bateau (premier lol^^) et une musique plutôt chouette mais trop convenue pour sortir de l’eau (deuxième lol^^) et du lot. Et puis en 2011, tout bascule. Ils découvrent le bouquin ou le film de feu Cyril Collard, Les Nuits Fauves, et peu ou prou comme l’auteur-réalisateur précédemment cité, le trio se met en tête d’inoculer un nouveau virus à toutes les meufs de Paris : le slamdrome de l’immunodéficience acquise. Des textes en français, débités avec l’urgence du désespoir sur des boucles de guitares, auxquels s’ajoute une communication bien ficelée, dans un esprit faussement mystérieux et sectaire, genre WU LYF revisité par le mouvement des Indignés, le tout sponsorisé par Benetton. Niveau lyrics, c’est « beau et cru » pour les lecteurs de Télérama, #tristemignon pour les célibataires endurcis, un peu trop Louis Garrelisé pour votre serviteur : « C’est un peu à cause de tout ça si tous les soirs c’est la même histoire / métro, apéro, Lexo, clopes et film porno à l’ancienne / Sur lesquels tu t’entraînes rageusement… Même si ça fait longtemps que ça ne t’amuse plus vraiment. » « Blizzard », leur EP tant attendu est prévu pour le 20 mai 2013. Pour marquer le coup, FAUVE sera en cancer au Bataclan le 7 juin. Sinon, l’édition du Sidaction 2013 aura lieu les 5, 6 et 7 avril.
#8
Faris Badwan : des pompes funèbres au Vatican
Le chanteur de The Horrors est le boss des contre-pieds maîtrisés. En schizophrène génial, il passe d’un extrême à l’autre avec un brio déroutant. Passons sur The Rotters, son premier groupe de punk, pour attaquer directement le cas The Horrors. Ces branleurs, qui, s’ils affichent une morgue désespérante de gros poseurs, n’ont, en trois albums, jamais cherché à nous refourguer la même tambouille. Du punk-garage brut avec « Strange House » (2007), de la coldwave addictive (qui s’est remis de « Sea Within A Sea » ?) avec « Primary Colors » (2009), tandis que « Skying » (été 2011) reprend les bases du précédent tout en empruntant un virage plus psyché et vaporeux. Mais entre le deuxième album et le troisième, Faris a visiblement quelques idées noires à expier et autres péchés de chair et sacrifices de chats à confesser. En mars 2011, il cherche la rédemption en compagnie de la catho’ soprano Rachel Zeffira au sein de Cat’s Eyes avec qui il jouera même en direct de la basilique St-Pierre de Rome. Dans leur missel : des ballades célestes pour une pop divine.
#7
John O’Regan : de 900 views Youtube à 300 000
Au milieu des années 2000, John n’est pas encore le Ziggy Stardust des années 10 que l’on connaît. Avec sa dégaine d’indie rocker lambda et son groupe -The D’Urbervilles- inconnu au bataillon (à part dans un ou deux bars de Toronto) et aux chansons chouettes mais rebattues, le canadien semble, au mieux, condamné à un succès d’estime consacré par un passage au SXSW, au pire, à ne pas dépasser les 807 vues sur Youtube (dont la moitié proviendraient de ses propres clics). Le déclic vient en 2009 : après un passage à l’hosto’ pour traiter sa maladie de Crohn, John sort la trousse de maquillage, change de peau et de coiffeur. En 2010, sur « Special Affections », son premier solo, exit la batterie au profit d’une bonne vieille boîte à rythmes et les synthés viennent se nicher à côté de sa guitare électrique. 2011, il revient à la source indie rock avec un nouveau groupe, Matters, et « Get In Or Get Out », single pas mal… Mais qui ne vaut pas le futuriste « Free Dimensional », l’un des meilleurs albums de 2012, une beigne New Wave bien musclée et digne d’Ultravox, aux confins de l’Eurodance quand il y va à fond.
#6
Snoop Dogg : du gangsta rap canin à Mufasa
« Je suis allé au temple où un grand prêtre m’a demandé mon nom, je lui ai dit : “Snoop Dogg”. Puis il m’a regardé dans les yeux et m’a dit : “Plus maintenant. Tu es la lumière, tu es le lion”. […] J’ai toujours dit que j’étais la réincarnation de Bob Marley. J’ai l’impression d’avoir toujours été un Rastafari. » Rastafari peut-être, défoncé à la weed c’est certain. Été 2012, à peine rentré d’une virée sous THC en Jamaïque, le Doggfather du G-Funk décide de suivre l’apophtegme du vieux sage en se rebaptisant Snoop Lion. Il n’en reste pas là et annonce la sortie de « Reincarnated », un album de… Reggae. Surprenant ? Pas tellement. Après avoir régné en maître-chien sur le rap game ricain pendant près de vingt ans, l’oncle Snoop cherchait : a) un nouveau challenge (version officielle) ; b) un alibi pour bédave encore plus et à terme se renommer Snoop Drogue (version officieuse). Bref, « Reincarnated » sort le 23 avril et c’est une très bonne blague.
#5
De la folk de bon garçon aux Vaccines
Pas facile d’être laissé au pied du podium : en 2008, Justin Young aka Jay Jay Pistolet (« Pistolet » car le nom d’« Okocha » était déjà pris par un joueur de foot nigérian) a 21 ans et il est le wonderboy de la néo-folk anglaise. Vous savez, ce truc dont ont émergé Laura Marling, Noah And The Whale et Mumford & Sons. Singer-songwriter gentillet, Jay Jay ne parvient jamais à décoller, la faute aux trois artistes cités ci-dessus (qui sont tous ses potes, la lose ultime). Justin se laisse pousser les cheveux, troque ses chemises à carreau et son banjo contre une veste en cuir et monte The Vaccines. Avec la suite que l’on sait.
#4
Esser : Hermann Esser ÷ Stephan Eicher = Esser
Hermann Esser était un nazi, chef de file d’une littérature que d’aucuns considèrent antisémite, d’autres « un tantinet provocatrice » (pour vous faire votre propre avis, lire dans le texte son bouquin controversé « Die jüdische Weltpest »), qui, contrairement à certains de ses congénères, n’a pas eu la chance de commencer une nouvelle vie dans la Pampa. Mais tout cela n’a (presque) rien à voir avec Esser, joyau de la couronne pop anglaise. En 2009, il dégaine « Braveface », album expérimental que Beck ou Damon Albarn période Blur n’auraient pas renié. Mais voilà qu’en 2012, sûrement pour échapper au Centre Simon-Wiesenthal intrigué par son nom ?, Esser change radicalement d’identité sonore avec « Enmity », petite bombe de lithium krautrock. Ç’aurait été dommage d’être privé d’Esser…
#3
Lana Del Rey : du folk chiant comme la mort au vintage sexy
En 2008, celle que l’on connaît sous le sobriquet de Lana Del Rey s’appelait Lizzy Grant. Zéro look, folk financé par papa aussi passionnant qu’un marathon entre gastéropodes, et lèvres sans pulpe. La métamorphose marketée, des pieds aux babines, en passant par le blaze, se fait en douceur. Été 2011, « Video Games » débarque et son vernis vintage fait mouche : les blogueuses de mode tombent en pâmoison devant son look hollywoodien, les haters détournent sa moue lippue pendant que même les critiques zic les plus coriaces saluent le tour de force pop. Il faut dire que la voix fiévreuse de Lana remue les tripes et réchauffe les slips. Malheureusement, c’est un pétard mouillé, le reste de l’album « Born to Die » n’étant vraiment pas à l’avenant, tirant trop vers le R’n’B bouffi et surproduit.
#2
Dev Hynes : du punk viril à la pop pour prince fragile
Dev est ce qu’on appelle un hipsteractif. Entre deux parties de basket, le type enregistre une reprise de Green Day, écrit une nouvelle chanson, un post sur son blog, bosse avec Solange Knowles, peaufine une bande dessinée, fonde un nouveau groupe tout en bûchant sur les morceaux de celui qui lui succédera. En 2005, à même pas 20 piges, l’anglais exilé à New York gère les cordes au sein des gueulards punks Test Icicles. 2008, changement de voie avec Lighspeed Champion et deux albums « Falling Off the Lavender Bridge » puis « Life Is Sweet! Nice To Meet You » (2010) qui ouvrent la cage au folk barock. 2011, changement de voix, suite à une opération des cordes vocales, Dev se réincarne en Blood Orange. Sur « Coastal Grooves », il se rappelle au bon souvenir des 80’s avec un R’n’B dépouillé, où, à la fin du slow, un Prince pékinois emballe Patrice Rushen. Enfin, une autre collaboration étonnante était ou serait dans les tuyaux : les petites françaises d’Orties, si leur séparation s’avère être une blague, devraient goûter aux beats de Dev sur leur prochain EP.
#1
Viva Brother : de l’indie rock nazebroque à la synthpop en toc
La Bhagavadgītā, un des textes fondateurs de l’Hindouisme, fait de la métempsycose un de ses piliers : « À la façon d’un homme qui a rejeté des vêtements usagés et en prend d’autres, neufs, l’âme incarnée, rejetant son corps, usé, voyage dans d’autres qui sont neufs. » Mais le problème avec Viva Brother, c’est que ces mecs n’ont pas d’âme. Qui se souvient de ce groupe anglais et de son album « Famous First Words » (2011) qui pillait sans vergogne ni talent l’héritage Britpop tout en réussissant l’exploit d’être moins original que Paul Weller ? Et dont le chanteur devait sa semi-notoriété à ses déclarations teubés à la Liam Gallagher. Le 1er avril 2012, preuve que ce groupe était une vaste blague, ils prennent une sage décision en se sabotant… Pour revenir quelques mois plus tard à Brooklyn sous la forme d’un boy band attifé en noir façon XX et répondant au nom insolite de Lovelife (nom qui, vous en conviendrez, pue les MST). À la clé, un fac-similé d’electropop sublime comme du Jeanne Mas repris par Hoobastank.