Enfin. En ce lundi 7 janvier, sort Regarde le ciel d’Aline. Un album lumineux, doré comme une galette des rois, qui sonne l’Épiphanie pour la pop à la française. Une fête où tout le monde est invité à boire et puis danser. A priori, tous les voyants sont au vert pour que cet album universel tourne tant dans l’iPod des hypeux rigoristes que dans la voiture de nos augustes paternels qui, d’habitude, ne jurent que par Radio Nostalgie. Aux dernières nouvelles, voilà la liste non exhaustive des médias qui se sont penchés sur le cas Aline : La Shortlist de Canal+, Libération, Le Figaro Madame ou encore L’Humanité. Il faut le dire, on aurait bien voulu défendre un avis à rebrousse-poil, mais impossible : on a (comme, on l’espère, 64 millions de personnes d’ici quelques mois) attrapé le virus depuis bien longtemps car Aline, à la différence d’une tripotée de groupes sans vécu ni biographie, ne sort pas de nulle part. L’histoire d’Aline connaît déjà un paquet de chapitres : une traversée du désert presque mythique de plus de dix ans, une amitié qui dépasse le cadre de la musique, l’échec d’un premier groupe aux accents électroniques et qui s’appelait Dondolo, les galères personnelles, l’envie de revenir à l’essence du rock qui sue et saigne, de longs mois au RSA, et enfin, la naissance d’un autre projet, Young Michelin, contraint de se renommer Aline. Pour revenir sur cette épopée-pop, et siffler quelques pastis, pintes de bière et verres de vin blanc bon marché, on a rencontré Romain Guerret (chant & guitare) et Arnaud Pilard (guitare). Avec comme fil rouge de l’entretien et lubie passagère : « Notre voisine de table est-elle Béatrice Dalle ? ». Première partie.
Romain, avant Young Michelin, Tu as sorti deux albums avec Dondolo : le premier en 2007, le second en 2010. Deux albums qui sont passés relativement inaperçus. Comment tu l’as vécu ?
Romain Guerret : Pas très bien, enfin… Disons déjà que le premier album de Dondolo était composé de morceaux qui ont été faits sur dix ans. C’est plus ce qu’on pourrait appeler un travail de jeunesse. J’essayais des choses, j’allais dans plusieurs directions : quand j’ai débarqué dans le sud, j’ai acheté un ordi et j’ai essayé d’explorer la gamme de possibilités que pouvait m’offrir le home studio. Le premier album, c’est donc comme un best of de mes œuvres de jeunesse. Je ne m’attendais à rien, en tout cas pas à ce que ça sorte un jour… Donc quand c’est sorti sur un tout petit label, j’étais content. Ça m’a permis d’avoir des premiers retours positifs, notamment Technikart qui avait fait trois pages à l’époque. Mais on ne pouvait pas espérer grand chose de plus sachant qu’il n’y avait aucune promo, on a envoyé l’album à trois journalistes et basta. Mais le bouche à oreille a néanmoins pas mal fonctionné car où que j’aille en France, on me parle désormais de cet album.
L’objet fétiche et confidentiel de vos plus vieux fans, j’imagine ?
RG : C’est exactement ça. Pour beaucoup, c’est un secret bien gardé qu’il ne faut pas divulguer. Les gens qui l’ont acheté à l’époque l’ont beaucoup aimé et le chérissent un peu. Le deuxième album, Une vie de plaisir dans un monde nouveau, est venu assez rapidement, j’avais déjà pas mal de morceaux d’avance. Des morceaux plus rock, j’avais envie de revenir au classique guitare-basse-batterie, toujours avec un peu de synthés. On est parti enregistrer à Roanne, dans ma campagne à cent kilomètres de Lyon, ça a duré une semaine. Pour moi, c’est un bon album ; différent du premier car plus homogène dans le son, dans le propos…. Mais au final, on l’a encore moins travaillé et moins vendu. J’en avais un peu ras-le-cul. Tu te dis : « Bon, je fais quoi là ? J’arrête ? » À un moment donné, quand tu sors deux albums, qu’il ne se passe pas grand chose, tu te poses évidemment la question. Mais s’en est suivi une dégringolade personnelle et professionnelle… Qui m’a poussée à lancer Young Michelin pour me changer les idées, refaire de la musique de façon libérée. À la base, Young Michelin, ce n’est pas un truc ambitieux, c’était juste une catharsis. J’avais plein de problèmes à l’époque, je broyais du noir, je voulais retrouver une pureté, une magie, partir dans ma mélancolie. J’ai quand même créé un Myspace, il y a eu des bons retours… J’ai contacté les mecs de Dondolo qui partageaient la scène avec moi, dont Arnaud que je connais depuis 13 ans, pour savoir si ça les bottait de se remettre dans une galère et de jouer pour Young Michelin.