Ouais, il est roux et sans le sou. Avec sa moustache d’acteur porno cheap, son incisive du haut pétée, son costume marron trop grand acheté en fripe ou récupéré dans l’armoire poussiéreuse d’un aïeul mort, Sean Nicholas Savage est l’avatar ultime du gandin fauché et dégingandé. Dans ce registre, il rappelle évidemment un autre rouquin pouilleux : Ronald Weasley, alias Ron, le meilleur pote d’Harry Potter. Sa famille, nombreuse qui plus est, vit dans un taudis proche de la ruine, le Terrier, et est tellement pauvre qu’elle a tout juste assez d’oseille pour acheter des livres de seconde main au petit Ron alors que Harry Potter rachète tout Gibert Jeune. Autre exemple : lors du bal de Noël dans Harry Potter et la Coupe de Feu, Ron n’a d’autre choix que de porter la robe cradingue qui a déjà servi à ses cinq grands frères tandis qu’Harry se pavane avec une superbe robe de luxe. Enfin, il paraît assez évident que Sean Nicholas Savage s’est inspiré de Ronald Bilius Weasley pour trouver un nom de scène à rallonge aussi ridicule.
Oui, il sert lui aussi de faire-valoir à un mec qui a la win. Sean Nicholas Savage assure actuellement la première partie de la bande à Mac DeMarco. Le 14 mai, ils étaient de passage à La Maroquinerie, à Paris. Gobelet empli de Bourbon à la main, pieds nus et regard brillant, tantôt ironique, tantôt louche, accompagné d’un éphèbe glabre au clavier, Sean Nicholas Savage ne paye pas de mine même s’il intrigue, vanne et assure, un peu comme Ron Weasley qui plus d’une fois a, entre deux blagues, sauvé la mise de son bro’ Harry (souvenez-vous de la partie d’échec remportée par Ron aka Garry Gasparoux dans Harry Potter à l’école des sorciers). Retour à La Maroquinerie : qu’on ne s’y trompe pas, les ¾ de la salle sont venus voir l’ambassadeur de la désinvolture en glandeur nature, le petit Mac, qui s’est imposé avec son dernier album, titré 2. Musicien de sang-mêlé (Jonathan Richman s’est occupé de la semence, Pavement lui a donné le sein) – comme Harry Potter (papa sorcier, maman moldu), populaire et cool -comme Harry Potter qui est envié de tous en raison de sa cicatrice et de ses parents morts… Pendant ce temps-là, Sean Nicholas Savage et Ron Weasley amusent la galerie, ramassent les miettes tout en se disant que c’est mieux que rien.
Non, Sean Nicholas Savage est un peu plus pragmatique. Ou en tout cas, aurait pécho Hermione Granger et lui aurait fait un enfant dès le premier tome alors que Ron a dû attendre l’épilogue du dernier. Pourquoi un tel décalage entre les deux personnages ? Parce que Ron est un puceau immature tandis que Sean Nicholas est de la race de crooners romantiques, une sorte de Marvin Gaye javellisé à qui on aurait refilé une trombine à la Steve Buscemi et qui a fait de l’amour son cheval de bataille, sa raison de vivre et de crever. Honnêtement, Hermione pourrait-elle résister à des déclarations d’amour sanglotantes du type « She looks like you / But she’s not you » ? Non, Hermione est une femme sensible et Sean Nicholas Savage a toujours des préservatifs sur lui.