Être fan des Strokes en 2015: “Je ne me fais pas trop d’illusions”

Pas facile d’être fan (vraiment très fan) des Strokes en 2015. Si nous avons régulièrement des nouvelles de chacun des membres du groupe, un sixième album ne semble pas à l’ordre du jour, malgré, ici et là, des rumeurs. Ils seront certes, tous ensemble, sur scène, pour la prochaine édition du (Casablancas et Hammond Jr. s’y produiront également en solo) et en concert à (où ils joueront sans doute un rappel du 18 juin) mais il faut bien l’admettre: difficile de crier notre joie. Barcelone, Londres, et deux dates américaines. C’est tout. Aucune tournée. Leur dernier album, Comedown Machine, paru en mars 2013, n’avait d’ailleurs pas été réellement défendu sur scène. Après les cinq années de transition entre First Impressions Of Earth et Angles, et deux albums coup sur coup, on croyait l’affaire réglée, les cinq copains de retour aux affaires. Mais non, même pas. Certes, il semble loin le temps des petites phrases, des news alarmantes du NME, de Julian critiquant ouvertement les autres, du groupe enregistrant un disque sans même croiser le regard de son chanteur. En 2015, reste un certain vide. Et le doute, pour des centaines de fans qui se demandent si un jour, leur groupe préféré redeviendra, vraiment, un groupe.

Ils sont fans des Strokes, à des degrés différents. Ils s’appellent Arthur, Juliette, Annelise et Louis-Henri. Et ils ont ici carte blanche pour raconter leur relation avec le groupe, leurs espoirs, et pourquoi, finalement, les choses sont peut-être mieux ainsi. Des paroles à lire en écoutant, évidemment, .

Arthur Weiland: “Je suis au collège entre 1998 et 2002. J’avais 13 ans quand est sorti Is This It?, à l’époque on découvrait la musique à la télé ou à la radio avant d’aller télécharger la chanson ou les clips vidéo sur Kazaa, Soulseek ou des sites bien obscurs genre Videopimp. On lisait très peu la presse. J’avais la chance d’avoir MTV2 et des parents qui m’emmenaient à la Fnac chaque dimanche pour acheter des disques. c’était un privilège. Dans la cour de récré on recensait les skateurs (punk rock), les jeunes qui écoutaient du rap (Skyrock) et les filles qui écoutaient du R’n’B (M6, MCM, MTV), trois gothiques qui écoutaient Korn, quelques freaks qui écoutaient du grunge et ceux qui n’écoutaient pas de musique (une majorité). J’ai découvert les Strokes à la télévision, pendant l’émission de Zane Lowe sur MTV2 il me semble. C’était la chanson “Last Nite”.

Juliette Bucaille: “La première fois que j’ai entendu les Strokes, c’était une version live de “Juicebox” sur un sampler de Rock&Folk en décembre 2005. J’avais comme tout le monde déjà entendu “” avant, mais sans savoir qui ils étaient. C’est la première fois que j’ai fait un lien conscient entre le groupe et l’un de ses titres”.

 

Louis-Henri de la Rochefoucauld: “En 2001, je fête mes 16 ans, et à l’époque, j’écoute Oüi FM. C’est comme ça que je découvre les Strokes. Par “Last Nite” ? Je ne sais plus… Je me souviens par contre très bien du jour où je suis allé acheter Is This It? en CD à la Fnac des Ternes, avec cette pochette qui avait ce je-ne-sais-quoi d’érotique”.

Annelise Berthiau: “Bizarrement et je le regrette presque pour l’histoire, je ne les découvre pas dès l’EP The Modern Age. Je ne suis pas une fan de la première heure, je n’étais pas à leur premier concert parisien. Dans les soirées d’école de journalisme, loin de Paris et de Ouï FM, un pote passe “Last Nite” et “Take It Or Leave It”: crush pour la musique, l’album ensuite mais pas pour le groupe dont je ne sais rien, même si j’ai bien vu leur jolie frimousse dans la pochette de l’album. J’aime mais j’oublie un peu, comme beaucoup de Français la pub EDF, avec “The End Has No End”, me rattrape. J’écoute Room on Fire en boucle et je commence à creuser”.

Arthur: “Quand j’ai vu le clip de “Last Nite” pour la première fois, j’ai compris que quelque chose allait changer. Je crois que le premier truc que je me suis dit était “il faut que je fasse écouter ça à Hélène” (la fille que j’essayais de draguer à l’époque). Je découvrais le “vintage”, la musique new yorkaise, les Converse, les jeans slim, la nouvelle cool attitude qui allait enfin bouleverser le paradigme des skateurs. Bon ok, pour créer un paradigme encore plus pénible, celui des baby rockeurs, mais enfin… Pendant deux ans… C’était bien”.

Juliette: “Presque instantanément, j’ai su que ce groupe allait être important pour moi, oui. La chanson ne ressemblait à rien de ce que je connaissais à ce moment là donc ça a été un choc assez important. J’ai ensuite lu leur interview dans le magazine et j’ai rapidement compris. Après ça j’ai acheté leurs albums précédents et me suis mise à lire tout ce que je pouvais trouver sur eux”.

Louis-Henri: “Pour être honnête, si j’aimais déjà beaucoup les Strokes, je n’ai eu l’illumination que deux ans plus tard. La première fois que j’ai entendu “1” à la radio (Oüi FM, encore !) m’a traumatisé. Là, ça a été mon chemin de Damas – la révélation ! En 2003-2004 j’étais en classe prépa en pension: cette année-là, dans mon lit avant de m’endormir, j’écoutais tous les soirs Room on Fire dans mon Walkman CD”.

Annelise: “Je ne lis pas la presse rock pendant ces années, mais en 2005, je rentre à Paris, et je replonge. Ouï FM, Newcomer… Et ça tombe bien, les Strokes reviennent bientôt: le concert du Trabendo le 3 décembre 2005 est une entrée en religion, tardive mais fervente. Dans la salle, c’est la révélation ! Je découvre le film de leurs débuts, et en cherchant un peu, je trouve le forum des fans français et plonge dans un monde jusqu’alors inconnu. Et ça dépasse le groupe, grâce aux Strokes je découvre Adam Green, Regina Spektor, Ben Kweller, les Kings Of Leon, et accessoirement (ou pas) le Shebeen et la scène rock parisienne de l’époque”.

En 2006, le groupe sort son troisième album. La tournée qui suit est mondiale. On ne le sait pas encore, mais il n’y aura aucun nouvel album du groupe avant 2011.

Arthur: “C’est pendant l’enregistrement de First Impressions Of Earth qu’on disait que Julian ne voulait plus voir les autres en studio. Oui, ça sentait le sapin à l’époque mais l’album m’avait plu. Je me disais juste que ces tensions étaient rock’n’roll et qu’ils continueraient malgré tout. Car ça ne doit pas être évident de devenir un groupe mondialement connu en si peu de temps, d’être les prescripteurs d’une mode et de garder le cap, de savoir ce qu’on fait et où on va. ils ont peut être fait une pause pour trouver les réponses à ces questions”.

 

Juliette: “Dès l’instant où Albert a sorti son premier album solo (donc assez peu de temps après First Impressions Of Earth), il était clair qu’on aurait probablement pas de nouvel album avant minimum fin 2007, puisqu’il allait tourner avec. Puis quand il a annoncé un autre album solo, ça a vraiment officialisé le hiatus, ils se sont mis à tous faire leur truc dans leur coin”.

 

Louis-Henri: “Rappelons ici que le premier album solo d’Albert Hammond Jr. est sorti en 2006, soit la même année que First Impressions Of Earth ! Je n’ai jamais eu l’impression d’une coupure. Leur break de cinq ans a été meublé de cinq albums (deux Albert, un Fabrizio Moretti, un Nikolai Fraiture, un Casablancas): il y avait donc de quoi s’occuper”.

Annelise: “Je me souviens que First Impressions Of Earth est le moment où ils commencent à balancer dans les interviews, l’ambiance pendant la tournée Room on Fire, trop longue, trop intense, trop de drogues aussi. Tu sens que tout n’est pas rose dans la bande de potes sauveurs du rock. Là c’est le moment où l’attente est fiévreuse, où la moindre intervention ou collaboration est guettée. J’ai même un projet de bouquin sur le groupe, qui n’aboutit pas mais canalise un peu cette passion”.

Arthur: “Les trucs d’Albert ne m’intéressaient pas dès la première écoute, j’ai survolé Little Joy le projet de Fabrizio. Nikolai a fait un truc ? Je ne savais même pas. C’était le groupe ou rien et je doutais fortement qu’ils allaient arrêter pour quelques petites erreurs de parcours”.

Juliette: “C’était assez normal que les membres du groupe aient envie de faire leur propre truc après avoir passé trois albums un peu dans l’ombre de Julian, sans jamais composer. J’en ai un peu voulu à Albert au moment de son second album solo puis en y réfléchissant cette évolution des choses m’a paru assez naturelle: les Strokes ont eu le même line-up depuis leurs débuts, ce qui est extrêmement rare pour un groupe. Ils ont été ensemble en permanence pendant environ huit ans, c’était évident qu’ils aient besoin de prendre un peu leurs distances après la fin de la tournée de First Impressions Of Earth. Ils se sont en plus mis à faire des gamins et à déménager hors de New York, les choses ne pouvaient pas rester comme elles l’avaient été jusque là. Certains ont arrêté drogues et alcool et d’autres pas, ce qui peut aussi avoir un impact non négligeable sur un groupe”.

 

Louis-Henri: “Le premier Albert Hammond Jr, Yours To Keep, est à mon avis une merveille. Il y a aussi plein de sommets sur son deuxième album. Et j’avais beaucoup aimé le Little Joy (Fabrizio Moretti), donc je m’en foutais de cette séparation, je ne retenais que le positif : plein de bons disques dans des veines différentes”.

Annelise: “Fab fait des trucs avec sa copine de l’époque, Binki Shapiro. J’en ai presque voulu à Albert Hammond Jr, il avait tellement l’air de s’éclater sur scène seul, avec d’autres musiciens (dont le batteur remplaçant des Strokes et roadie Matt Romano). Et puis j’étais fan des Strokes mais aussi de chacun, donc c’était une porte ouverte sur leur univers et plus seulement celui de Julian, je trouvais ça intéressant, même si forcément moins fort que les Strokes. Mais quand Julian annonce que lui aussi va sortir un album solo, là je me dis que c’est fini”.

Julian Casablancas sort son premier album en 2009. Une merveille (le meilleur album des Strokes, finalement ?), certes, mais qui semble encore un peu plus assombrir l’avenir des Strokes, et retarde un éventuel nouvel album commun.

Arthur: “Je n’ai jamais écouté le premier album solo de Julian”.

Juliette: “C’est un album de Julian et pas des Strokes. Les Strokes n’avaient à ce point là jamais été aussi électroniques, et le traitement de la voix de Julian n’avait pas grand chose à voir avec ce qu’on avait pu entendre sur leurs albums précédents. Ca m’a toujours énervée qu’on considère cet album comme un “album des Strokes”. S’il existe en tant que tel, c’est en bonne partie parce que les Strokes comme unité ne voulaient pas travailler sur ces morceaux, car ils ne représentaient pas ce que pouvait être l’esthétique du groupe. Par ailleurs je trouve que le premier album solo d’Albert est la meilleure chose qui soit sortie de leurs diverses tentatives hors Strokes”.

Louis-Henri: “Je ne pense pas que ce soit l’un des meilleurs Strokes. Je pense que c’est LE meilleur Strokes ! Je me souviens très bien du jour où j’ai vu le teaser mélancolico-synthétique de Phrazes for the Young pour la première fois. C’était en juillet 2009, j’étais chez mes grands-parents à Pargny-les-Reims (Marne, 51). Un choc ! Jusqu’à la sortie de l’album en octobre, j’ai passé trois mois à rêver de ce disque toutes les nuits – et à la sortie, il a dépassé toutes mes espérances. Mon album préféré au monde”.

Annelise: “Il annonce ce que seront les deux derniers Strokes. Passion pour cet album, que j’écoute en boucle”.

Absents des Studios, les Strokes le sont aussi de la scène. Les fans n’ont que leurs souvenirs.

Arthur: “Je les ai vu trois fois il me semble, une fois au Trabendo (il fallait récupérer ses places dans une Fnac un jeudi matin, les gens se marchaient dessus, l’enfer), une fois au Zénith et une fois aux Eurockéennes. Donc trois situations très différentes. Le concert au Trabendo était spécial pour moi, j’ai passé 45 minutes en larmes en repensant à mon ex. Pas Hélène, une autre. Ouais les mecs m’ont bien aidé à pécho à cette époque. Quand j’étais à fond, j’étais prêt à tout. les Strokes à Benicassim ? Je suis chaud. Mais quand on est lycéen et qu’on n’a pas une tune, on se contente de leurs venues à Paris. Et aujourd’hui ça ne me dit rien, les voir au Zénith, à vingt mètres de distance chacun. Non merci”.

Juliette: “Ils n’ont pas fait de tournée à proprement parler sur nos terres depuis 2006. J’ai eu la chance de les voir sur cette tournée là alors que je n’avais que 14 ans (à l’occasion des Nuits de Fourvière en juillet 2006), et beaucoup de gens de ma génération les ont raté car ils étaient trop jeunes au moment où le groupe faisait encore de vraies tournées et pas quelques dates de festivals par ci par là. Je les ai revus à l’été 2011 quand ils ont fait le Zénith de Paris mais à part ça ils n’ont pas fait de dates hors festivals en France et même en Europe, à part un petit concert à Londres pour genre 300 personnes, pour lequel les places sont parties en un quart de seconde. Je les ai vus les deux fois de ma vie où ça a été géographiquement et financièrement possible. Je vais les revoir au Primavera en mai mais je ne me rends pas au festival uniquement pour eux, ma décision de faire le déplacement est plus due à la présence de Brand New qui pour le coup sont encore moins souvent en France qu’à celle des Strokes (qui finiront bien par repasser par chez nous car ils conservent un public important et dévoué ici, malgré les derniers albums pas top). Je serai bien évidemment présente pour leurs prochains concerts français, une fois qu’ils seront annoncés. Après ça n’est pas non plus un groupe systématiquement génial sur scène, ils ont des jours sans et niveau présence scénique c’est pas nécessairement des champions, Julian avec les Strokes c’est assez souvent le degré zéro de l’interaction avec le public”.

Louis-Henri: “J’ai bizarrement plus vu Casablancas (quatre fois) que les Strokes (trois fois). Albert une seule fois. L’Himalaya reste et restera jusqu’à notre mort à tous, fans français, le concert du 3 décembre 2005 au Trabendo. C’était une toute petite salle, les Strokes étaient au comble de leur aura, il avait fallu se battre pour avoir des places – et mon Dieu ça en valait la peine… Je suis une personne âgée (30 ans) et n’ai jamais fait de grands voyages pour voir des concerts. Donc pas de déplacement loin, non. J’avais quand même pris le train pour voir Casablancas à Arras en 2010”.

Annelise: “Disons que j’ai rattrapé mon retard sur les premiers concerts parisiens: Trabendo en décembre 2005, Zénith le 29 juin 2006, London Natural History Museum le 6 juillet 2006, Lyon Fourvière en juillet 2006, Rockness le 13 juin 2010, Zénith le 20 juillet 2011, et Albert Hammond Jr. trois fois: Maroquinerie, à Paris, en décembre 2006, Rock En Seine en 2007, et de nouveau la Maroquinerie en 2013. Quant à Julian, quatre fois. J’ai hésité pour Primavera, en espérant qu’ils feraient d’autres concerts en Europe, j’ai même espéré un des festivals français, les Eurocks ou Rock en Seine. Donc non pour l’Espagne mais bien sûr je serai à Hyde Park le 18 juin. Immanquable”.

Les fans prennent donc leur mal en patience. Amour ? Haine ? La relation se trouble.

Arthur: “Je ne me suis jamais senti lésé. Ils font ce qu’ils veulent et ne devraient pas être mis sous pression par les attentes de leurs fans”.

Juliette: “Le fait que les fans aient toujours l’impression qu’un groupe ou un artiste leur doit quelque chose est à mon sens la portion la plus toxique de la culture fan. Ce sont des êtres humains qui ont leurs propres vies dont on ne sait pas tout et qui n’ont pas de comptes à nous rendre. Par exemple si leurs relations interpersonnelles sont meilleures sans le groupe, on n’a pas à réclamer un album supplémentaire juste parce qu’on a l’impression qu’ils “nous doivent bien ça comme on les a soutenu toutes ces années”. Si on veut vraiment le bien du groupe, on ne peut pas mettre nos attentes personnelles avant eux”.

Louis-Henri: “Cela m’est complètement égal qu’un groupe soit distant avec ses fans, je n’ai pas du tout cette fixette “fandom”. Il me semble par contre que via son label Cult Records, Casablancas (et donc la galaxie Strokes) essaie de plus communiquer qu’avant”.

Annelise: “Dans ma tête, de façon un peu naïve, ce n’est pas un groupe marketé donc ils font ce qu’ils veulent et les fans ne sont pas une donnée marketing qui entre en ligne de compte. Quoiqu’ils ont avoué avoir joué quelques festivals en 2010 tout simplement parce qu’on leur proposait une tonne d’argent, impossible à refuser. Et puis j’ai vu la semaine dernière à Londres qu’entre les teesh Rolling Stones et One Direction, il y a maintenant des tee shirts The Strokes chez Primark, alors est-ce que du coup ils sont devenus mythiques comme les Stones ou marketés comme les 1D ? Ou de simples objets pop qui dépassent la musique et leur existence en tant que groupe ?”

Puis, en 2011, le groupe annonce la sortie d’un très attendu nouvel album, leur quatrième, Angles. Un album apparemment enregistré dans la douleur, Julian posant sa voix séparemment du groupe enregistrant ses parties.

Arthur: “Je ne pourrais jamais être objectif sur leur travail, l’affecte prendra toujours totalement le dessus sur l’analyse. je n’ai qu’une trentaine d’albums sur mon iPhone, et ceux là sont dessus depuis deux ans. Je les écoute encore régulièrement dans les transports, plus par habitude que par amour”.

Juliette: “J’aime certains titres sur Angles mais étant une fan absolue de First Impressions Of Earth, il m’a quand même pas mal déçue car il était très loin d’être à la hauteur de mes espérances (qui n’étaient certes pas du tout raisonnables après cinq ans d’attente). J’aurais préféré un album moins différent de FIOE, avec des guitares plus lourdes et intéressantes et pas des synthés ou du rock plus banal / classique. Je ne suis pas du tout contre un petit “Ask Me Anything” de temps en temps, mais c’était quand même pour moi un album forcé, même si quelques titres comme “Life Is Simple In The Moonlight” sont quand même magiques et m’ont rappelé pourquoi ce groupe était si important pour moi à la base. Comedown Machine par contre n’a suscité aucune émotion chez moi. Ils l’ont clairement fait pour pouvoir être débarrassé de leur contrat et pour moi ça se sentait. Je lui redonnerai peut être sa chance un jour ou l’autre mais pour moi il était vraiment trop générique, et il est sorti à un moment où les albums sonnant comme ça ne m’intéressaient pas”.

Louis-Henri: “Pour moi, les Strokes n’ont enregistré qu’un seul morceau moyen : “Juicebox”. Tout le reste, c’est le haut du panier. Je suis comme un vieux fan des Stones ou des Stooges incapable de résister à une nouvelle sortie de ses héros. Comedown Machine était évidemment mon album préféré de 2013”.

Annelise: “Angles, je l’aime moins forcément que les premiers albums mais il y a quelques chansons biens. Oui j’aime certaines chansons, après la voix de Julian et quelques gimmicks des Strokes ça me suffit. A vrai dire, je les ai beaucoup moins écouté”.

Durant ces cinqs années, entre First Impressions Of Earth et Angles, ce fut le bal des rumeurs et des petites phrases. Split, engueulades, tensions…

Arthur: “Quelles rumeurs ?”.

Juliette: “Initialement, j’ai tout suivi de très près car j’étais très impliquée dans leur forum américain, on y discutait évidemment beaucoup du groupe et le moindre de leurs agissements était scruté, analysé et commenté. Les gens ont progressivement un peu lâché l’affaire sur le forum à cause du manque d’actualité et de trop nombreux faux espoirs (certains projets solo causaient également pas mal d’énervement et de dispute au sein des fans). Au bout d’un moment, spéculer et attendre a juste cessé d’être drôle, mais je suis quand même toujours restée à l’affut des rumeurs, malgré les régulières déconvenues”.

Louis-Henri: “Je suivais, bien sûr, mais sans me faire de mauvais sang. Comme répondu plus haut, j’aimais leurs albums en solo, donc j’étais content”.

Annelise: “C’est drôle comme à chaque sortie d’album, on en apprend un peu plus sur le précédent, l’ambiance d’enregistrement ou le manque de. Donc forcément en fan avide d’info, je guettais la moindre phrase ou collaboration de l’un ou l’autre, Valensi qui bosse avec Sia, Albert Hammond Jr joue dans Gossip Girl ou se marie, Fab Moretti qui vient à Paris faire du dessin avec Luz chez Perrotin, Julian lance un label (Cult Records, avec de nouveaux groupes très sympa), Nikolaï a un nouveau groupe Summer Moon. Avec Instagram et Twitter, il y a une proximité et un contact presque continu avec certains et pas seulement au rythme des interviews de sortie d’albums ce qui est plutôt cool… Quand Julian débriefe les interviews mal retranscrites après coup sur Twitter, quand tu es fan t’as l’impression d’avoir un truc plus direct, plus personnel, un accès moins restreint, même si tout cela est très maitrisé”.

Julian Casablancas tourne pour promouvoir son deuxième album solo (enfin, avec The Voidz), intitulé Tyranny. Sur scène, un manque se fait-il ressentir ?

Arthur: “Je vois un mec hyper doué, un songwriter déterminé et visionnaire qui continuera à faire ses trucs quoiqu’il arrive. à mon avis les Strokes n’étaient qu’un tremplin pour sa carrière. Ce mec a encore beaucoup de choses à nous apporter”.

Juliette: “Quand il joue des titres des Strokes, oui. Même si les autres membres ne sont pas les compositeurs initiaux de la majeure partie des morceaux, ils ont quand même leur style de jeu bien particulier et qui contribue grandement à ce qu’est le son des Strokes. Nick et Albert sont des guitaristes remarquables avec des personnalités importantes qui font partie intégrante du son et de l’image du groupe, et je ne pense pas qu’ils soient remplaçables. Les Strokes ont toujours été pour moi une unité indivisible, même si Julian a longtemps tenu tous les rennes en main. C’était un des trucs qui les rendaient unique: ils avaient un leader sur le plan musical mais qui ne se définissait pas comme tel, mais qui était le garant de l’union de l’ensemble et de leur intégrité musicale. Tant que les autres étaient ok avec ce deal le groupe pouvait continuer d’exister, et évidemment ça a fini par ne plus être le cas. C’est normal mais c’était probablement pas la meilleure chose qui est arrivée à leur son.

Et l’avenir ?

Arthur: “L’avenir du groupe, je le vois ronflant, probablement. comme celui de Blur non ? Des projets solos de Julian à la pelle et une tournée de reformation dans quinze ans. juste de quoi ne pas nous faire oublier nos premiers amours, nos premières crises de nerf, nos premiers stage diving. Notre adolescence”.

Juliette: “Au point où on en est je pense qu’ils feraient peut-être mieux de se séparer car les deux derniers albums n’ont pas fait grand chose pour la “legacy” du groupe. Je peux comprendre qu’ils en aient marre de jouer toujours les mêmes morceaux, de voir toujours les mêmes têtes et qu’il soit nécessaire pour eux d’évoluer, et c’est pour ça que je ne voudrais pas qu’ils se “forcent” à continuer de faire des trucs ensemble si le cœur n’y est plus. On comprendra s’ils ont envie de passer à autre chose pour de bon, personnellement je ne le retiendrais pas contre eux. Après, faire partie des Strokes c’est quand même une bonne façon de gagner sa vie et de nourrir ses gosses, et j’imagine que ça joue aussi un rôle dans le fait qu’ils ne se soient jamais vraiment séparés. Ils ont un truc que les gens aiment et qui est une source de revenus stable et je peux comprendre qu’il leur soit difficile de s’en séparer”.

Louis-Henri: “Là aussi c’est bizarre, mais je m’en fous. Je n’ai pas du tout le côté fan nostalgique qui veut foutre ses idoles au Musée Grévin (en gros : qui veut qu’ils ressassent ad libitum leurs débuts). Je vois les Strokes comme de vieux compagnons de route à qui je souhaite d’aller de l’avant, de tenter des trucs, de se planter pourquoi pas, de rebondir, etc… Par ailleurs, j’adore les personnalités de Casablancas et Hammond Jr. Ce qui compte à mes yeux, c’est leur épanouissement artistique. Si celui-ci passe par les Strokes, génial. Si c’est par leurs albums en solo, super aussi”.

Annelise: “Je ne sais pas, j’ai envie de façon un peu égoiste forcément qu’ils continuent, mais s’ils n’ont plus envie de jouer (d’être?) ensemble”.

Arthur: “Cela m’étonnerait qu’ils jouent pour le fric. J’aime à croire qu’ils sont comme un vieux couple qui s’en ait mis plein la gueule, trahi, déçu, mais qui n’oubliera jamais ce qu’il a traversé et construit ensemble”.

Juliette: “Je pense sincèrement que ça va mieux entre eux maintenant qu’il y a deux-trois ans par exemple, mais ne suis pas à même de juger s’ils prennent à nouveau du plaisir ou non à jouer ensemble. Ils ont maintenant des familles et des responsabilités en dehors du groupe, c’est l’une des raisons pour lesquelles il leur est difficile d’exister aujourd’hui en tant que groupe de la même manière qu’ils existaient avant, en étant juste un gang de potes. C’est difficile de les blâmer pour ça, c’est plus des ados un peu attardés. Ils ne sont plus aussi libres de leurs mouvements qu’avant, mais le groupe demeure probablement essentiel pour eux. Mais là encore ça n’est que de la spéculation par rapport à ce que j’ai pu observer ces dernières années, peut être que je suis loin du compte mais impossible de savoir exactement où ils en sont sans leur poser la question directement. Peut être que maintenant qu’ils sont libérés de leurs obligations de contrat ils vont pouvoir enfin faire un premier vrai album collectif cohérent et intéressant, qui renouera avec ce qui avait fait d’eux initialement un groupe différent des autres. On ne peux que l’espérer, mais je ne me fais pas non plus trop d’illusions”.

Louis-Henri: “Il ne faut pas faire l’autruche : j’imagine que sous le label “Strokes”, devenu iconique, ils touchent des cachets faramineux. Nick Valensi n’a jamais rien fait en solo. Il a peut-être besoin d’une nouvelle piscine ? De nourriture pour son chien ? Ces concerts ne sont peut-être qu’un grand Restau du Coeur pour Valensi ? Plus sérieusement, je pense qu’a défaut de l’amitié d’antan, la camaraderie perdure, qu’il y a encore des liens forts entre certains d’entre eux (Albert avait sorti son EP sur le label de Julian), et qu’ils laissent la porte ouverte à un sixième album, donc… Le jour où ils se détesteront vraiment, je fais confiance à Casablancas pour renvoyer tout le monde dans son coin”.

Annelise: “Je crois qu’à un moment (assez tôt) ils en ont eu marre d’être les sauveurs du rock et d’avoir à refaire Is This It? en portant des Converse sous peine d’être accusé de trahison. Est-ce qu’ils sont toujours potes ? Je n’en sais rien. J’espère. Est-ce qu’ils ont toujours envie d’enchaîner les concerts et d’être ensemble non stop comme à 20 ans alors qu’ils ont des familles maintenant ? Non je ne pense pas. Valensi vit à LA, les autres à NY je crois,  c’est forcément moins simple que quand ils étaient colocs, mais bon quinze ans pour un groupe c’est pas mal non? Pourquoi ne pas se séparer? Bah parce que si des promoteurs les paient grassement pour jouer quelques festivals tous les deux ans et il y a encore des fans, il n’y a pas de raison d’arrêter ! “We’ll be in this race until the very end”, comme ils le chantent sur “”.

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