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The Soft Moon: “Je suis le seul à savoir de quoi parlent mes chansons”

Luis Vasquez n’a que peu dormi. Normal, il était sur scène au beau milieu de la nuit, à l’affiche de l’édition 2015 du festival Primavera. Il n’a pas vraiment envie de parler, mais se force, avec gentillesse. Rencontre.
04/06/2015 / Nico Prat

Jouer à quatre heures du matin, c’est mieux ?


“Les concerts ne changent pas, c’est l’adrénaline qui n’est pas la même quand tu joues dans une salle à 21h et dans un festival en plein air à quatre heures du matin. En terminant le concert cette nuit, je me sentais high. Dans de telles conditions, il est plus facile d’être transporté, de devenir quelqu’un d’autre d’une certaine façon. Il y avait beaucoup de monde, l’endroit est magnifique, donc je pense que j’étais heureux, sur scène. Mais il y a beaucoup de concerts pour lesquels je ne suis pas d’humeur. Quand les concerts ne sont pas aussi bons que ce je voulais, j’ai le sentiment d’aller au bureau. Mais c’est rare. Quand je joue, c’est le seul moment où je me sens réellement moi-même. Dans la vie de tous les jours, ce n’est pas le cas. Je ne me sens pas en sécurité, je suis en conflit permanent avec… Moi. Mais pas en live, non”.


Et en dehors de la musique ?


“J’aime cuisiner. Je ne sais pas si c’est une passion, mais j’aime ça. Mais ce n’est pas au même niveau que la musique, non. C’est la musique qui me maintient en vie, vraiment”.


Vous savez quand arrêter, quand une chanson est terminée ?


“J’essaye de me fier à mon instinct, et mon instinct est le seul juge de la qualité de la musique. Les musiciens doivent apprendre quand s’arrêter, quand une chanson est terminée. Je n’ai jamais eu ce souci. Je sais quand m’arrêter, mais je sais aussi quand je vais trop loin, et donc quant il me faut enlever des choses. J’aime ma musique, mais je n’aime pas la composition, la création de la musique. C’est un processus douloureux”.


Et sur la route, vous écoutez quoi ?


“Quand je suis en tournée, je n’écoute pas de musique, j’essaye au contraire d’apprécier les moments de silence. Mais mon manager et mon tour manager contrôlent sont en charge de la musique dans le bus, donc en général, c’est du vieux punk rock, comme les Ramones, Fugazi, Minor Threat, des trucs de ce genre”.


Vous vous souvenez du premier coup de foudre musical ?


“Mon premier crush musical, je crois que c’était les Guns’n’Roses. J’étais obsédé par Axl et Slash, quand j’étais gamin. Je pense que c’est ce qui a fait naître cette illusion que je voulais être une rock star. Mais avec le temps, ça a changé, je ne voulais plus du tout être ça”.


Et la réalité de la vie en tournée, c’est comment ?


“Je vis ma vie de musicien, je n’arrive donc pas vraiment à réaliser si la réalité de la vie de musicien est aussi belle que le fantasme que j’en avais quand j’étais plus jeune. Dans quelques années, peut-être, je pourrais me poser et regarder en arrière. Mais c’est impossible pour le moment”.


La suite ?


“J’ai des buts à atteindre avec ma musique. Je voudrais lancer un side project, pour pouvoir composer différemment, proposer quelque chose d’autre que The Soft Moon. Je voudrais aussi composer des musiques de film, dans le futur. Mais pour le moment, je me concentre sur The Soft Moon. Je suis fan d’une BO de Luc Ferrari, pour un film du début des années 80 qui s’appelle Chronopolis (1982, avec Michael Lonsdale, ndlr). C’est une BO très rare, mais essaye de la trouver. Sinon je suis fan de John Carpenter. J’ai bien aimé son album. J’ai écrit sur le sujet d’ailleurs, pour Vice Magazine. C’était un petit scénario de film inspiré par le premier titre, Vortex”.

 


Vous pensez à l’auditeur en composant ?


“J’aime les imperfections, je ne veux rien de parfait. La plupart du temps, je laisse des erreurs, ce qui permet à l’auditeur d’établir une connexion. De façon inconsciente, ça leur permet de s’approprier la musique”.


Et les journalistes ?


“Je donne des interviews parce que je n’ai pas le choix, mais cela me permet d’avoir des informations au-delà de la musique, même sur moi. Comme avec un psy finalement. Et parfois, cela permet d’expliquer ma musique plutôt que de laisser cela aux journalistes. Même si je suis ok avec les interprétations de chacun. Je suis au final le seul à savoir de quoi parlent mes chansons”.

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