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Raphael Malkin: "La french touch, c'était eux contre le reste du monde"

Journaliste pour feu Snatch et grand curieux sur les ondes de la Radio Nova, le journaliste Raphael Malkin sort aujourd'hui son premier livre, Music Sounds Better With You. Ou il est question de french touch, évidemment, mais surtout de destins. Interview.
19/11/2015 / Nico Prat

Te souviens tu de ta première rencontre avec la french touch ?

Mon souvenir de ma première rencontre avec la French Touch est assez diffus pour une raison toute particulière: je n'appartiens pas à la génération qui a grandi avec ce mouvement. Je n'ai pas de chance, je fais partie de la suivante. Lorsque "Homework" des Daft Punk est sorti, en janvier 1997, j'avais neuf ans et demi. Ce serait, de fait, mensonger de dire que le disque a représenté un choc ou une épiphanie pour moi. Disons simplement qu'il me revient en mémoire des images du clip d'"Around The World" passant sur M6, après la sortie de l'école primaire. Il y avait des couleurs et du rythme. C'était carnavalesque et cela a dû m'interpeller, sans nul doute.

Tu avais écrit sur le sujet dans Snatch. Ce livre, c'est une version longue de ton article ?

Après la parution de l'article dans Snatch en novembre 2014, je me suis très vite rendu compte qu'il me restait sous le coude un paquet de matière que je n'avais pas convoqué. J'avais du grain à moudre pour écrire encore des pages et des pages. Ce bouquin, c'est une version plus détaillée, plus fouillée de l'article. C'est aussi une version prolongée, complétée, dans la mesure où il a fallu que je retourne voir mes interlocuteurs et que j'ajoute un personnage (Dimitri from Paris).

Qu'est ce qui t'a donné l'envie d'écrire un livre ?

Mon envie d'écrire un bouquin tient simplement au fait qu'il me restait justement toute cette manière. Je n'ai jamais eu l'ambition d'écrire un livre, ou de devenir un auteur. C'est une occasion fortuite mais bienvenue. Cela dit, bien avant d'écrire le papier, j'avais en tête de m'essayer à un modèle d'écriture particulier qui consiste à présenter des destins croisés. Cela vient de ma lecture des deux tomes de "Générations" qui font le récit de la vie d'une tripotée de personnages ayant participé aux évènements de Mai 68. L'article, c'était ma manière à moi de me tester sur ce format. Le bouquin m'a permis d'aller plus loin.

J'ai lu un article récemment sur les difficultés à faire vivre la musique électro sur grand écran, et comment aucun film n'avait vraiment réussi à retranscrire l'ambiance de ces soirées. Sur papier, c'est une difficulté qu'on retrouve aussi ?

Il y a une difficulté, c'est de rendre compte de l'atmosphère grouillante, suante et heureuse des fêtes de l'époque. Pour autant, pour ce bouquin, il faut avouer que la musique n'est qu'un prétexte pour raconter des parcours de vie. Finalement, la musique n'est pas le point le plus essentiel de cette histoire, c'est simplement une trame de fond.

J'imagine que tu as vu Eden. Tu en as pensé quoi ?

J'ai vu Eden. Le simple fait d'avoir mis en scène l'histoire de ces gens, les souvenirs d'une époque est, selon moi, louable. Ensuite, on peut discuter de la manière dont ça a été fait. Mais, franchement, je ne suis pas le plus calé pour parler de cinéma.

Tout le monde a bien voulu parler ?

Toutes les personnes que j'ai démarchées ont accepté de me parler. Il y a bien sûr les cinq protagonistes de mon livre que j'ai vu et revu pendant plusieurs mois pour décortiquer chaque étape de leurs vies respectives entre 1987 et 2003 et puis il y a une ribambelle de témoins secondaires qui m'ont aidé à mettre un peu de perspective et à compléter la mémoires, parfois incomplètes, des premiers. Il faut juste noter une chose très importante : ce bouquin ne traduit pas littéralement ce que mes "personnages" ont pu me confier. Il y a une part d'interprétation des faits, de subjectivité quant à la description des moments qui, à mon avis, sont inhérentes à ce genre d'exercice.

La french touch, c'était quoi ? Un mouvement, une scène ? Ou juste une appellation de journalistes ?

Au départ, j'avais l'intention de ne pas utiliser du tout le label "French Touch". Cela me semblait éculé, vulgaire et bien trop journalistique pour être pertinent. Et puis je me suis rendu à l'évidence: l'étiquette est parfois utile pour chapeauter, concentrer les choses. La French Touch, ce n'est pas un mouvement, ni même une façons de faire : tout est trop disparate là-dedans. Parlons plutôt d'une génération de gens.

La britpop reposait beaucoup sur la compétition, les clashs entre artistes. La french touch transpire plutôt la camaraderie. C'est une idée fausse ?

Tout le monde n'était pas amis le long de ce circuit. Il y avait des affinités, quelques inimitiés. Comme dans n'importe quel cercle de gens qui partagent les mêmes passions, intérêts et envies, j'imagine. Enfin, je pense que les choses étaient, somme toute, assez saines, il n'y avait pas de grandes rivalités, de conflits de chapelle. La scène était si circonscrite au départ que tout le monde se connaissait et s'appréciait. C'était eux contre le reste du monde.

, disponible aux éditions Le Mot Et Le Reste

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